vendredi 19 janvier 2018

Conflictualité : la robotisation du champ de bataille

(Une nouvelle série a été créée sur mon site : Conflictualité. Elle se veut centrée sur les enjeux de la guerre au XXIe siècle, entre analyse et prospective. Vous retrouverez l'épisode en entier sur mon site internet.)

La robotisation militaire est un fait contemporain de la guerre : réduction des effectifs, améliorations technologiques, besoins en frappes de précisions et en renseignement, ces causes rentrent dans les nouvelles conflictualités. Les luttes interétatiques se raréfient, au profit des luttes internes, et lorsque l’adversaire livre une guerre asymétrique aux Etats disposant d’une armée professionnelle technologiquement avancée, le recours à la technologie est nécessairement plus important. La doctrine militaire évolue en même temps, car les nouvelles conflictualités n’effacent pas les anciennes, et l’utilisation de la robotique rentre dans le mode de fonctionnement des armées (EMAT, 2016). L’augmentation de ces moyens technologiques nous pousse à nous demander s’il existe de vraies limites à la robotisation des champs de bataille contemporains.


Une photo d’un drone Predator (Source : RFI). Construits par General Atomics, et volant pour la première fois en 1994, il s’agit d’un MALE UAS, c’est-à-dire d’un medium-long altitude unmanned aircraft system. Télépiloté à distance, il peut faire de la reconnaissance, et a été progressivement armé avec des missiles pour lancer des frappes chirurgicales. Le drone de combat est une donnée acquise dans les systèmes militaires contemporains, et se décline en un certain nombre de variantes, du petit drone utilisé par un groupe de combat dans un environnement urbain à celui qui peut rester autonome pendant plusieurs heures. Signalons que pilote de drone ou opérateur drone est une des nombreuses spécialités (au sens de spécialisation) de l’armée de terre française.



En guise de conclusion : des limites établies, et à établir


La robotisation du champ de bataille est un fait militaire récent, mais n’est pas en soi une révolution. Le robot est une arme, employé dans des actions militaires « classiques » : renseignement et frappes ciblées par téléguidage. Il instaure une distance plus importante encore, mais reste proche du droit des conflits. En tant qu’arme, il ne règle pas les conflits, et dépend très fortement du facteur humain. Cette arme possède aussi ses vulnérabilités : piratage, et destruction facile si détectée.


Le MAARS, ou Modular Advanced Armed Robotic System, fait partie des UGV pour unmanned ground vehicle, et est destiné à la reconnaissance, et même à l’acquisition de cibles. Il peut accompagner les forces au sol et fournir un appui-feu. (Source de l’image : Sarna.)

Le souci est l’utilisation que la politique en fait. Puisqu’employer des drones est moins coûteux en vie humaine, son utilisation parait aller de soi. Mais les technologies de furtivité, l’ingérence et l’utilisation des drones sans en référer aux instances démocratiques ou internationales sont des violations claires du droit des conflits. Le drone est une arme, et doit être considéré comme telle dans les questions d’ingérence et de droit. La doctrine militaire s’adapte à cette utilisation robotique sur le champ de bataille, mais la doctrine politique doit faire de même pour l’inclure dans le droit international.

Bibliographie

  • CALHOUN, L., 2017, « Death frome above : the perils of lethal drone strikes », Bulletin of the Atomic Scientists, 73-2, p.138-142
  • DGA, 2015, Document de présentation de l’orientation de la S&T. Période 2014-2019., 37 p.
  • EMAT, 2016, Action Terrestre Future, 67 p., http://fr.calameo.com/books/000063302be07e29a7e4f [Consulté le 29/09/17]
  • FLI, 2015, Autonomous Weapons: an Open Letter from AI & Robotics Researchers
  • JEANGENE WILMER, J.-B., 2013, « Légalité et légitimité des drones armés », Politique Etrangère, 3, p.119-132
  • JEANGENE WILMER, J.-B., 2013, « Robotisation et transformations de la guerre », Politique Etrangère, 3, p.80-89
  • NOËL, J.-C., 2013, « Occuper sans envahir : drones aériens et stratégie », Politique Etrangère, 3, p.105-117
  • SINGER, P. W., 2013, « La guerre connectée : les implications de la révolution robotique », Politique Etrangère, 3, p.91-104
  • STILES, J., 2017, Drone wars are coming, DARPA / ONR
  • STOA, (Science and Technology Options Assessment), 2009, Human Enhancement Study, 200 p., https://www.itas.kit.edu/downloads/etag_coua09a.pdf [Consulté le 29/09/17]
  • TRIDON, J.-B., 2017, « Téléopération – automatisme – Autonomie en robotique militaire : de quoi parle-t-on ? », Colloque jeudi 8 décembre 2016 à la DGGN, Issy les Moulineaux, 17 p.
  • UNITED NATIONS, 2015, Study on Armed Unmanned Aerial Vehicles, New York, 61 p.
  • VAUGHAN, J., 2017, Foreign Drones complicate maritime air defense, Naval Institute Proceedings

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire