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jeudi 26 janvier 2017

Armées d’Hier 02 - Rome et l’Armée Royale (des origines à 509)

Les origines de Rome se perdent dans les mythes et les légendes : le rescapé troyen Enée, les jumeaux Remus et Romulus qui fondent l’Urbs en 753 avant Jésus-Christ, le meurtre de Remus, la lutte contre les Sabins pour trouver des femmes, la disparition dans les airs de Romulus, la liste canonique des 7 rois de Rome (établie par Quintus Fabius Pictor (-254, -201), un des premiers historiens de Rome). Sans revenir sur ce qui appartient au domaine du mythe et ce qui appartient au domaine de l'histoire, nous allons tâcher d'éclairer les armées de l'époque royale, à partir de découvertes archéologiques et surtout des récits du Grec Denys d’Halicarnasse (-60, 8) des livres 2 à 4 des Antiquités Romaines, et du Romain Tite-Live (-59, 17) dans son premier livre de l’Histoire de Rome depuis sa fondation.

I. Une cité-état en botte italique

Les premières traces d’habitation de cette zone marécageuse au carrefour de l’Etrurie et du Latium, au bord du Tibre, datent de -1000. Des communautés villageoises finissent par se réunir autour du Mont Palatin fortifié (une des sept collines de Rome). Nous n’avons pas retrouvé de sources écrites de ces premiers temps, nous ne pouvons donc nous appuyer que sur les récits canoniques de l’histoire de Rome, et admettre qu’elle est bel et bien gouvernée par des rois. Les combats mettent généralement en prise un nombre restreint de combattants, et aboutissent à la constitution d’un butin, au pillage, et assez souvent à la déportation de la population vaincue à Rome, permettant d’étendre la cité-état sur les autres collines, d’augmenter sa population et d’affaiblir les cités alentour. Notons aussi que la cité de Rome mute considérablement au fil du temps, avec la création de temples, l’extension de structures défensives, un pont sur le Tibre sous le règne d’Ancus Marcius, etc. 

Un plan "intemporel" de Rome, présentant les principaux monuments de la ville, datant de la Rome royale ou républicaine, le découpage en régions établi par Auguste (Princeps entre -27 et 14), les différentes collines, les aqueducs en bleu, la muraille du roi Servius Tullius en pointillé noir, celle de l'Empereur Aurélien (270-275) en noir.

Les premières luttes de la Rome royale se font avec ses voisins directs. Les peuples sabins d’abord en 753, avec des prises de villages, des déportations de population, des batailles rangées, et une réconciliation mythique grâce à l’entremise des Sabines, aboutissant à une double royauté et au peuplement du Capitole. C’est ensuite les cités étrusques de Fidènes et de Véies qui sont vaincues en bataille rangée sous le règne de Romulus (753-716). Mais ces deux cités se montreront souvent prêtes à rejouer la guerre. Sous le règne du troisième roi de Rome, Tullus Hostilius (671-640), c’est une guerre contre la cité-état d’Albe-la-Longue qui se met en place et est censée se résoudre par le fameux combat entre les Horaces (une famille romaine) et les Curiaces, (une famille d’Albe-la-Longue). Malgré la victoire du dernier Horace survivant, la cité s’allie à Fidènes et Véies pour rejouer la guerre, mais, battus, la cité est rasée et ses habitants déportés à Rome sur le mont Célius. 

Les Sabines, Jacques-Louis David (1748-1825), 1799

Le quatrième roi Ancus Marcius (640-616) affronte surtout les peuples latins, qui se montrent plus entreprenants : Politorium (qui finissent sur l’Aventin) (Tite-Live 1.33.2) et Médullia. Le port d’Osties plus loin sur le Tibre est fondé. Tarquin l’Ancien (616-578) combat d’abord les Latins d’Apioles, puis la guerre contre les Sabins mobilise à nouveau l’armée, qui est augmentée (Tite-Live 1.36.7-8). Jusqu’à la fin de son règne, il établit une muraille en pierre et combat de nombreuses cités latines avec beaucoup de succès. Servius Tullius (575-535) est à l’origine d’autres combats contre les peuples étrusques, et notamment Véies. Il réforme l’armée (Tite-Live 1.43). Tarquin le Superbe (535-509), dernier roi, combat les Latins, les Volsques, avant de se faire détrôner par Brutus, qui établit la République.

II. Une armée mythique ?

Ainsi, après cette rapide synthèse d’histoire militaire, on se rend compte que les Romains ont combattu les cités alentour, les peuples latins, les peuples étrusques et d’autres peuples locaux. Ils ont pillé, rasé des cités, et ont utilisé la déportation pour peupler la cité-mère, et les ouvrages successifs des rois ont permis d’améliorer la défense, les structures religieuses, aboutissant même à la création d’un port à Osties. Il s’agit maintenant de voir comment l’armée romaine se structure à partir des quelques sources littéraires et archéologiques.

a) L’armée originelle

Romulus a partagé la population entre 3 tribus, menés par 3 tribuns, chacun subdivisée en 30 curies, menées par des curiates. Sans faire un résumé des institutions politiques entre les différentes comices et le Sénat, la legio, c’est-à-dire la levée, et qu’on peut traduire en français par légion, consiste en la levée d’une centurie de 100 hommes et d’une décurie de 10 hommes par curie. On aboutit ainsi à 30 centuries d’infanterie et 30 décuries de cavalerie, soit à 3000 soldats d’infanterie et 300 cavaliers. D’après Denys d’Halicarnasse en 2.14.4, le système d’appel aux troupes est simplifié : le roi demande aux tribuns de réunir l’armée, ceux-ci appellent les centurions qui doivent constituer 100 hommes, et ces derniers appellent les décurions qui doivent emmener 10 hommes. Sans compter les cavaliers. 

Hoplites grecs au combat  (La grande encyclopédie de l'histoire du monde junior tome 1, Éditions Nathan, Paris, France, 1994)

Sans plus de détails, on a découvert la présence de chars dans certaines tombes, aussi il serait possible de parler d’une aristocratie guerrière montée sur char, accompagnée de ses clients : des armées privées en somme, qui s'ajoutent à l'armée de la cité. La milice locale de Rome, la legio, levée en cas de danger, est en tout cas constituée comme la phalange hoplitique grecque, avec un bouclier à deux prises, une lance plus ou moins longue, une structure en files, un casque et une cuirasse en bronze. Mais que dire face aux effectifs militaires assez irréalistes énumérés par Denys d’Halicarnasse en 2.37.5 contre les Sabins, où il parle de pas moins de 20 000 fantassins et de 800 cavaliers ?

Deux soldats romains de la Rome royale.

Notons que Denys d’Halicarnasse indique en 2.13 la présence d’un bataillon d’élite, créé par Romulus lui-même, et composé de 300 cavaliers appelés les Celeres. On peut notamment comparer ce bataillon avec la garde personnelle de 300 hommes des Spartiates, ou bien encore le bataillon sacré de 150 couples homosexuels des Thébains. Quoi qu’il en soit, ces 300 hommes sont adeptes des coups de main et agissent en tant que gardes du corps du roi Romulus. Chaque curie en fournit 10. Ils combattent à cheval ou à pied.

b) Les réformes de Servius Tullius

Au moment où s’engage cette réforme militaire, Rome a fort à faire avec les Sabins, et l’extension de Rome et ses colonies ont sûrement fait évoluer l’appareil militaire. D’après nos sources littéraires, c’est sous Servius Tullius qu’une réorganisation se fait jour. Pour la cavalerie, Servius lève 15 nouvelles centuries de chevaliers (equites) parmi les plus riches, et porte le nombre de cavaliers à 1800 (estimation). A la manière des Grecs, il divise la population romaine non plus seulement entre trois tribus, mais aussi entre cinq classes déterminées par leur richesse. 

Une phalange hoplitique à la grecque.

Les troupes d’infanterie (pedites) tirées des trois premières classes forment l’infanterie lourde, semblable à la phalange, et notamment au niveau de l’équipement : casque (galea), cuirasse (lorica) et jambières (ocrea) en bronze, petit bouclier de bronze (clipeus), lance (hasta) et épée (gladius). La première classe compte quarante centuries d’hommes mûrs, destinés à garder la Ville, et quarante autres d’hommes jeunes, susceptibles d’être envoyés combattre à l’extérieur des murs. Deux centuries supplémentaires d’ouvriers capables de manœuvrer les machines de guerre complètent cette première classe.

Le plus proche de l'équipement décrit par Tite-Live est le troisième soldat en partant de la gauche, qui a l'équipement complet d'un soldat de première classe, et vraisemblablement le bouclier plus long d'un soldat de 2e ou de 3e classe.

D’après Tite-Live, la 2e classe oublie la cuirasse pour un bouclier plus long, et compte 20 centuries. Même chose pour la 3e classe, excepté qu’on oublie aussi les jambières. La 4e et la 5e classe forment l’infanterie légère : les 20 centuries de la 4e classe ne portent pas d’autres armes défensives que leurs vêtements, et sont équipés d'une lance (hasta) et d'un dard (verutum), caractérisant une arme de jet. La dernière classe se compost de 30 centuries : une majorité de frondeurs, ainsi que les joueurs de cors (cornicen) et de trompettes (tubicen). Une dernière centurie compose les citoyens non armés, les plus pauvres. Au niveau du chiffre total des troupes, on parle ou bien d’une légion de 6 000 hommes menée par un préteur, ou bien de deux légions composées chacune de 3 000 soldats d’infanterie lourde. Les unités plus légères sont de l’ordre de 1 200 troupes par légion.

Conclusion

L’armée civique de l’Urbs a eu besoin d’évoluer au fur et à mesure de ses luttes avec les peuples étrusques, latins, sabins, et les cités-états les plus proches. Ce qui n’empêche pas la présence d’armées privées, menées par de riches aristocrates montés sur des chars et composés de clients, comme nous en avons quelques exemples pour la période postérieure. Les réformes de Servius Tullius ressemblent fort à une réforme hoplitique, et les troupes combattent essentiellement en phalange d’infanterie lourde, les troupes légères jouant un rôle plus secondaire. L’armée républicaine fera muter cette forme de combat pour un système manipulaire que nous verrons dans un autre épisode.

Sources :

- DENYS D'HALICARNASSE (Διονύσιος Ἁλικαρνασεως), Ρωμαικής Ἀρχαιολογίας (Antiquités Romaines), livres II à IV
- TITE-LIVE (Titus Liuius), Ab Urbe Condita Libri (Histoire de Rome depuis sa fondation), livre I

Bibliographie :

- ERDKAMP, P., A Companion to the Roman Army, Wiley-Blackwell, Malden, 2007, 600 p.
- LE BOHEC, Y., « Roman Wars and Armies in Livy », in MINEO, B., A Companion to Livy, Wiley-Blackwell, Malden, 2014, p.114-124

samedi 12 novembre 2016

Chronique Géopolitique 03 - Qui veut la peau de l'Etat Islamique ? (Proche-Orient)

Chronique Gépolitique 03 - Qui veut la peau de l’Etat Islamique ?

Changer de perspective

A un moment ou à un autre, il faut faire le point. Tous ces événements qui se déroulent au « Proche-Orient », selon l’appellation française, mobilisent un grand nombre de pays, dans une atmosphère angoissante de crise internationale. Le lieu de cristallisation des tensions mondiales a changé de terrain et d’ennemi, et tous les yeux se tournent vers cette région plongée dans la crise et la tourmente depuis au moins 2003. Mais l’originalité de ce conflit est qu’on semble retrouver un seul et même ennemi, l’Etat Islamique, qu’il s’agit de réduire à néant. Pourtant, les protagonistes de cette histoire ne sont pas autant pressés les uns et les autres d’arriver à cette fin, comme nous allons le voir. 


Inutile de les présenter... Mais sont-ils les seuls acteurs de cette histoire ?

Sans rester sur une guerre simpliste contre le « méchant terroriste », il convient d’observer ici les tensions régionales qui sont à l’œuvre, qui dépassent la simple lutte contre une organisation terroriste, pour nous poser la question que vous avez vu en titre : qui veut la peau de l’Etat Islamique ? D’aucuns seraient tentés de dire « tout le monde ». Mais la vraie question qui se pose au moment où de grandes batailles décisives se jouent, c’est le « qui ». Les acteurs de cette guerre, aux motivations variées, ont des objectifs différents les uns des autres, et la « coalition internationale », qui essaie de gommer ces différences, n’y parvient que trop peu. Sans être un article synthétique de référence, j’ai choisi pour ce troisième épisode de Chronique Géopolitique de rappeler à l’esprit des choses que j’estime importante, sans prendre un quelconque parti. 

Carte très synthétique de mai 2016 trouvée sur le site de Libération. Beaucoup de changements depuis.

Les origines du conflit

L’Etat Islamique s’appelle ainsi depuis juin 2014. Il était auparavant une branche de l’organisation terroriste d’Al-Qaïda. Mais s’il a eu un essor fulgurant dans la région, c’est que le contexte s’y prêtait. En 2003, les Américains envahissent l’Irak et mettent à bas le régime de Sadam Hussein (1937-2006). En proclamant haut et fort la démocratie, ils désunissent pourtant la société. Depuis sa fondation, l’état irakien fonctionnait avec une minorité sunnite au pouvoir, contrôlant l’armée et les postes-clés de l’administration, gouvernant une majorité de chiites. Sans revenir sur la distinction doctrinale entre ces deux branches de l’Islam, la perturbation du régime irakien a donné lieu à de grandes purges. Pendant la passation de pouvoir « démocratique » qui a profité aux chiites, des guerres civiles meurtrières ont opposé les deux branches de l’Islam. Des quartiers se sont embrasés, et en promettant l’union, la désunion et la décomposition civile se sont profilées. Or, une partie des sunnites rejetés du pouvoir a pu ainsi être séduite par les discours du sunnisme international et du retour d’un califat, et ont pu rentrer dans les bras ouverts de l’organisation, d’autant plus que certains ont une bonne expérience militaire. L’armée fanatisée de l’Etat Islamique s’est dès lors imposée dans le nord, face à des troupes chiites peu expérimentées, peu motivées, récemment enrôlées, et l’état irakien n’a pas su maintenir sa souveraineté. On parle d’ « état failli » (Livre Blanc 2013, p.44, 84 et 89). 

La guerre civile en Syrie dure depuis plus de cinq ans.

Du côté méditerranéen, on se retrouve en 2011 après le « Printemps Arabe » au Maghreb en Syrie. Face aux manifestations contre le régime, le président Bachar al-Assad (1965-?) utilise la force, mais sans réussir à calmer le jeu puisque le pays sombre dans la guerre civile et la violence. Les rebelles s’organisent en différents groupes, prennent certaines cités et réussissent à l’aide de soutien à maintenir la lutte jusqu’à aujourd’hui. Certains groupes rebelles se sont radicalisés sous l’impulsion de personnalités connues dans le monde du djihadisme (et libérés des prisons sur ordre présidentiel d’après un ancien prisonnier interviewé dans le documentaire de J. Fritel), qui mettent à mal la crédibilité des autres rebelles. Comme nous l’avons vu pour la Colombie, celui qui arrive à classer l’autre comme « terroriste » réussit à le sortir d’une discussion. L’Etat Islamique s’est ainsi retrouvé dans la zone syrienne par le biais de ce contexte.

Une régionalisation tendue


C’est d’abord par les financements occultes qu’apparaissent les premiers signes d’une régionalisation du conflit. Sans le dire tout haut, on sait par plusieurs enquêtes et récits (voir nos sources) que les groupes radicaux, et parmi ceux-ci celui de l’Etat Islamique, ont été financés et équipés par la Turquie du président R. T. Erdoğan, mais aussi par l’Arabie Saoudite et les autres émirats de la région. Lorsque le conflit s’intensifie davantage autour de l’Etat Islamique, notamment après les attaques du 13 novembre 2015, le contexte n’est plus le même. Une coalition internationale essaie de réunir une soixantaine d’Etats pour éliminer l’Etat Islamique (dont la Turquie et l’Arabie Saoudite font partie…). 

Après le 13 novembre 2015.

D’autre part, le conflit s’est régionalisé. L’opposition entre l’Iran chiite et l’Arabie Saoudite sunnite, qu’on retrouve aussi au Yémen, retrouve un regain autour des actions des différents acteurs. Si l’Arabie Saoudite a pour alliés traditionnels les Etats-Unis, qui se sont longtemps opposés au régime syrien, l’Iran est plutôt proche de la Russie. Pour protéger le régime syrien de Bachar al-Assad, alaouite, c’est-à-dire appartenant à une branche du chiisme dans un pays majoritairement sunnite, l’Iran et la Russie fournissent argent, équipement et participent même aux conflits. Deux ports de la côte méditerranéenne comptent ainsi des navires russes (Tartous et Lattaquié). De plus, le Hezbollah libanais (chiite) envoie des troupes aux côtés du régime, malgré sa catégorisation de « mouvement terroriste ». La Turquie, membre de l’OTAN et donc alliée des Etats-Unis, aux frontières avec l’Europe et la Russie, se retrouve depuis quelque temps proche de la Russie elle aussi, peut-être pour pouvoir jouer à son tour un rôle régional. 

Les troupes kurdes

Enfin, le peuple kurde se retrouve lui aussi dans ce conflit. Jamais reconnus totalement indépendants (bien qu'autonomes, notamment en Irak), les Kurdes se retrouvent à cheval sur le nord de la Syrie et de l’Irak, et au sud de la Turquie. Ils ont pris les armes assez tôt pour lutter contre l’Etat Islamique, et ont eu un certain succès au nord de l’Irak. Financés et équipés par les Etats-Unis, ils se retrouvent à la tête d’une région et semblent sortir gagnant de ce conflit, grâce à une maîtrise territoriale qui s'affirme, et qui semble de plus en plus apparaître comme une répétition générale en vue d'une indépendance. Ce qui est craint par les puissances environnantes, et notamment par la Turquie. Malgré l’OTAN, des heurts ont ainsi eu lieu entre les Peshmergas, les combattants kurdes, et les troupes turques : dans cette région, nous ne sommes plus à un paradoxe près, et les Etats-Unis semblent depuis un an avoir du mal à naviguer dans ce foisonnement d’intérêts contradictoires (comme s’en amusent plusieurs articles du Canard Enchaîné). Pour le président turc, les Kurdes sont une menace, notamment s’ils créent un état au sud de la Turquie, dans une région où les Kurdes sont majoritaires. Depuis le putsch militaire raté du 15 et 16 juillet, et la reprise en main brutale de la société par le biais d’une purge destinée à écarter les gens « suspects », le président n’a pas hésité à parler des organisations kurdes et à les désigner comme des organisations terroristes. Ce qui n’est pas l’appellation onusienne exacte…

Après la bataille ?

On voit ainsi que les acteurs ont des motivations assez diverses, et que la coalition internationale qui lutte en ce moment contre l’Etat Islamique a des divergences sur l’avenir de la Syrie, des Kurdes et globalement sur l’avenir de la région. Comment reconstruire une Syrie ravagée par un conflit, alors que les rebelles qui luttent encore se retrouvent face aux troupes syriennes, russes et du Hezbollah ? Comment reconstruire l’état irakien avec une armée en décomposition et une fracture sociétale profonde ? Comment voir l’avenir de la Turquie, entre OTAN, Europe, Russie et Moyen-Orient ? Que vont faire les Kurdes après la fin de l'Etat Islamique ? Certains spécialistes, tel P-J Luizard, rappellent que ce qui se passe dans la région est une affaire bien plus politique que religieuse, contrairement à ce que l’on pourrait penser avec la radicalisation idéologique orchestrée par l'Etat Islamique.

La bataille continue, entre bombardements, attaques de véhicules blindés et assauts.

Avant la bataille de Mossoul, qui a commencé mi-octobre, tous ces intérêts contradictoires se retrouvent ensemble : les Irakiens demandent aux Turcs, qui veulent absolument intervenir, de se retirer ; on trouve aussi bien des milices chiites irakiennes, ce qui peut poser un problème face aux civils sunnites, des armées privées d’Irakiens qui ne croient plus en l’Etat et organisées par de riches individus, les restes de l'armée irakienne, les Peshmergas, etc. Et derrière, les Occidentaux et les Russes, qui soutiennent les troupes sur place, accompagnés par la France. Aucun n'a le même objectif politique. Alors, je le redemande encore une fois : qui veut la peau de l’Etat Islamique ?

Sources :

- Arte : Daesh : Naissance d’un Etat terroriste (Jérôme Fritel, 2014) et surtout Les Guerres Cachées contre Daesh (Jérôme Fritel, 2016), qui traite des motivations contradictoires des acteurs présents

- Canard Enchaîné : les derniers articles satiriques reviennent souvent sur l’incapacité des Etats-Unis à maintenir leurs alliés dans le même bateau.

- LUIZARD, Pierre-Jean, Le Piège Daesh : l’Etat Islamique ou le retour de l’histoire, La Découverte, Paris, 2015 : l’auteur pose sur le temps et l’espace l’Etat Islamique, pour déceler les causes profondes et savoir où l’on va.

- Monde Diplomatique : les analyses plus réfléchies et les cartes permettent de s’y retrouver davantage dans cette jungle.

lundi 12 septembre 2016

Chronique Géopolitique 02 - Le Cachemire, endroit le plus dangereux au monde ? (Asie du Sud)


Chronique Géopolitique 02 : Le Cachemire, endroit le plus dangereux au monde ? (Asie du Sud)

Pour cette deuxième chronique, nous nous déplaçons de l’Amérique Latine pour le sous-continent indien en Asie du sud, dans une zone où les tensions régionales restent vives depuis la fin des années 40 entre trois puissances aujourd'hui nucléaires : la République Populaire de Chine, la République de l’Inde et la République Islamique du Pakistan. C’est autour du Cachemire que se structurent ces affrontements, région qualifiée par le président américain Bill Clinton de « world’s most dangerous place ». Cette province partagée entre les trois acteurs régionaux se structure autour de glaciers très proches des frontières montagneuses chinoises, et d’une importante réserve d’eau douce en pleine Asie du sud, notamment pour le fleuve Indus (Pakistan).

Une indépendance mouvementée

Après la Seconde Guerre Mondiale, la Grande-Bretagne entame un processus de décolonisation. Le mouvement indépendantiste dans les Indes Britanniques est mené entre autres par Mohandas Karamchand Gandhi (1869-1948) et Jawaharlal Nehru (1889-1964) et suivi par les partisans de la désobéissance civile. Mais les heurts entre, pour simplifier, les communautés musulmanes du nord du pays, et les communautés hindoues du sud du pays, exacerbent les tensions locales. En 1947, contre les partisans d’une Inde indépendante et unifiée, les Britanniques organisent une partition, séparant le Dominion du Pakistan à majorité musulmane de l’Union Indienne à majorité hindoue. Ce n’est qu’en 1971 que le Dominion du Pakistan se sépare de la République Populaire du Bangladesh, cette dernière étant appuyée par l’Inde. 


Les 565 états princiers de la région, qui subissaient un contrôle indirect de la part des britanniques, sont désormais absorbés par les deux nouvelles entités politiques. Mais le maharadjah du Jammu-et-Cachemire Hari Singh (1895-1961) résiste. Hindou, il dirige une province à majorité musulmane sunnite, surtout à l’ouest, mais qui compte aussi des bouddhistes à l’est en marge du plateau tibétain, des hindouistes dans la plaine de Jammu et des chiites dans les montagnes du nord-ouest. 

Le Maharadjah Hari Singh

Des conflits régionaux

Des forces tribales appuyées par l’armée pakistanaise entrent alors dans la province, et le 26 octobre 1947, le maharadjah se décide à appeler l’Inde. La première guerre indo-pakistanaise commence, et ne s’arrête qu’au 1er janvier 1949, lorsque l’ONU partitionne la province : le tiers ouest pour les Pakistanais, le reste du territoire pour les Indiens. Une ligne de démarcation est tracée et gardée. Ce conflit a provoqué des centaines de milliers de morts selon les estimations, et a occasionné un vaste transfert de population (on parle de plus de douze millions de personnes), fuyant les violences, musulmans rejoignant le Dominion du Pakistan, et hindouistes rejoignant l’Union Indienne. Ce ne sera pas le seul conflit qui opposera ces deux états : en 1965 après une infiltration pakistanaise ; en 1971 lorsque le Pakistan oriental, appelé Bangladesh, se sépare du Pakistan ; en 1999 dans la vallée montagneuse de Kargil, soit une guerre à très haute altitude ; en 2001-2002, lorsque l’Inde subit des attentats et accuse des cellules terroristes pakistanaises soutenues par l’Etat, que les troupes se massent près de la ligne de démarcation, et que les deux puissances possèdent l’arme nucléaire depuis 1998. Une situation tendue. 


A ces deux protagonistes s’en greffe un troisième : la Chine de Mao Zedong (1893-1976). Il envahit l’Aksai Chin en 1962, ainsi que la haute vallée de Skagsam et une partie du sud-est. Cette région stratégique est en effet en contact direct avec les provinces chinoises du Tibet au nord-est et du Xinjiang au nord-ouest. Ce grave contentieux sino-indien perturbe les relations régionales, d’autant plus qu’il s’agit de deux puissances nucléaires et que le Pakistan ne s’oppose pas aux revendications chinoises, contrairement à l’Inde qui n’a jamais abandonné les territoires qu’elle considère comme légitimes. 

Le glacier du Siachen est ardemment défendu.

La question du terrorisme

Depuis les années 90, de nombreux fondamentalistes musulmans, appuyés sur des réseaux établis au Pakistan, et pouvant même venir d’Afghanistan depuis les attentats du 11 septembre 2001 et la guerre contre les talibans qui a suivi, franchissent la ligne de démarcation entre la partie pakistanaise et la partie indienne. Certains parlent même de « djihad » dans le but de rétablir l’hégémonie pakistanaise sur un territoire qu’elle aussi considère comme légitime. Ceci occasionne des troubles, notamment entre la population musulmane locale et l’armée indienne de par les amalgames rapidement établis. Rajoutons à ce cocktail des mouvements indépendantistes, religieux ou non, organisés en guérillas, comme les Hizbul Mujahideen, des manifestations réprimées dans le sang et des milliers de disparus. En ce moment même, la mort d'un membre du groupe pré-cité a provoqué de nombreuses manifestations pendant l'été. 78 morts parmi les manifestants sont à déplorer pour le moment. Les tensions restent vives.

L'armée indienne après des manifestations en 2010.

Aujourd’hui, près de 700 000 militaires indiens patrouillent dans la province, faisant du Cachemire indien une des zones les plus militarisées au monde. Certaines villes sont encore placées sous couvre-feu, et la ligne de contrôle indo-pakistanaise fait plus de 740 kilomètres de long. Aujourd’hui encore, des heurts sont fréquents entre l’armée indienne et la population, d’autant plus qu’un référendum est demandé par l’ONU depuis 1949 et n’a jamais été appliqué. La région reste encore une zone de contentieux locaux et régionaux très importants, aggravés par le rang des puissances présentes et leurs capacités nucléaires.


Sources :

- Arte
- La Documentation Française
- Le Dessous des Cartes (10 septembre 2016) : l’émission revenait sur le discours cartographique du service Google Maps en fonction de ses lieux d’implantation. Dans la partie du Cachemire, on suit trois versions différentes, dont une montre par exemple le Cachemire entièrement indien, montrant que les luttes de pouvoir deviennent des luttes d’information.
- L’Humanité
- Monde Diplomatique (septembre 2016) : un des articles revient sur la lutte culturelle contre l’autorité indienne qui se fait aujourd’hui jour dans la région administrée par les autorités indiennes. Faisant suite aux manifestations réprimées dans le sang et à la lutte armée, les artistes sont dits prendre la relève.

dimanche 11 septembre 2016

Conflit d'Histoire 02 - La Guerre Israélo-Arabe - Sionisme et Palestine (2)

Conflit d'Histoire 02 - La Guerre Israélo-Arabe
1948-1949, Proche-Orient

Sionisme et Palestine (2)

I. La naissance du sionisme

Le mot « sionisme » dérive de la colline de Sion, désignant par métonymie Eretz Israel, la terre d’Israël. Celle-ci plonge ses racines dans la Bible hébraïque, dans l’histoire des royaumes antiques juifs et dans la géographie. A l’origine du mouvement sioniste de la fin du XIXe siècle, on trouve l’affirmation des identités nationales et des idées libérales, héritées de la Révolution Française et de sa diffusion dans l’Europe par les guerres napoléoniennes. Le principe de nationalité et la question de l’auto-détermination des peuples ne font pas le jeu des empires, et les courants libéraux s’opposant aux idées absolutistes en prônant la liberté individuelle. Les Juifs sont plus ou moins intégrés en Europe occidentale, là où on maintient un ensemble de discriminations en Europe orientale : les Juifs sont organisés en quartiers exclusifs appelés « ghettos », ce qui facilite les poussées antisémites se multipliant à la fin du XIXe siècle, et aboutissant aux pogroms.
 
"Pogrom" : verbe russe signifiant détruire, et désignant les pillages et les violences commis contre les Juifs en Russie entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle

A cela, certains intellectuels ou mécènes cherchent à trouver un juste milieu entre, d’une part, une émancipation synonyme d’assimilation, où l’identité spécifique juive est dépassée par une identité nationale, et d’autre part une soumission synonyme de multiples persécutions, comme en Europe orientale. Entre ces deux tendances, certains Juifs demandent une assimilation qui tienne compte de leur identité propre. C’est le premier jalon de formation du sionisme. Les poussées antisémites européennes, même présentes dans les lieux où les Juifs pensaient que l’assimilation était efficace, comme le prouve l’Affaire Dreyfus en France, poussent près de 600 000 Juifs à quitter l’Europe pour les Etats-Unis entre 1881 et 1903. Une minorité va pourtant se décider à rejoindre l’Empire Ottoman, et plus particulièrement la Grande Syrie, dans laquelle s’insère la « Palestine ». C’est là que les Juifs sépharades chassés d’Espagne après le XVe siècle avaient trouvé refuge et que le système des « millets » ottomans permet une relative autonomie.
 
Edmond James de Rothschild

La structuration d’un mouvement sioniste résulte de cette situation. A l’origine, l’Alliance Israélite Universelle (A.I.U), une société française, assiste les Juifs du secteur, tout comme les missions catholiques se structurent dans un Empire Ottoman pénétré peu à peu par les puissances européennes. Mais la vraie étape de constitution du sionisme se déroule en 1881 : un groupe de Juifs d’Europe orientale fondent le mouvement des « Amants de Sion », appuyé par des mécènes tels le Baron Edmond James de Rothschild (1845-1934), banquier français, qui se charge de financer l’achat de terres en Palestine. Théodore Herzl (1860-1904), journaliste et intellectuel, qui a notamment couvert l’Affaire Dreyfus, publie en 1896 Der Judenstaat (L’Etat des Juifs), et milite pour la constitution d’une Organisation Sioniste, fondée à la suite de la première conférence sioniste à Bâle en 1897. Il cherche un appui parmi les grandes puissances pour faciliter une installation juive, et cela passe d’abord par des négociations infructueuses avec l’Empire Ottoman. Il faudra attendre 1917 pour qu’une grande puissance, à savoir la Grande-Bretagne, soutienne officiellement ce projet.

II. La Palestine

Au sein de l’Empire Ottoman, ce vaste ensemble politique multi-ethnique se réduisant au XIXe siècle sous l’impulsion des mouvements indépendantistes et des Européens, la Palestine fait partie de la « Grande Syrie », appelée Bilad al-Sham, structurée autour de Damas et incluant Israël, la Jordanie, le Liban, la Palestine et la Syrie contemporaine, divisé ensuite en sous-ensembles. Cet argumentaire sera utilisé par les Israéliens après la reconnaissance de leur état : pour eux, la Palestine n’a jamais existé en tant qu’entité directement dépendante du gouvernement de la Porte, et les peuples arabes locaux peuvent dès lors bien rejoindre les régions alentour. L’identité palestinienne se développe pourtant au XXe siècle en réaction à la poussée sioniste. 
 
L'Empire Ottoman et son organisation au début du XXe siècle.

Le foyer juif, le Yishouv, se constitue à partir de colonies pilotées au départ par l’A.I.U., puis par l’Organisation Sioniste, dont le but est de régénérer l’identité juive par l’éducation et le travail de la terre dans les kibboutzim, des colonies agricoles autogérées, lointaines successeurs des phalanstères et autres projets socialistes utopiques. Ce qui n’est pas toujours du goût des 25 000 Arabes Juifs Palestiniens déjà présents. Les kibboutzim se multiplient néanmoins au début du XXe siècle, et sont en 1908 au nombre de 26. Tel-Aviv est fondée à cette époque. Si les contacts sont au départ sans animosité entre les populations arabes locales et les Juifs, notamment par le fait que les colonies agricoles génèrent des emplois, c’est la Première Guerre Mondiale qui précipite les choses. 
 
L'Hashomer, ancêtre des forces armées de la Haganah.

Malgré tout, l’Empire Ottoman tente de juguler les arrivées juives, mais l’ingérence européenne empêche de contrôler cet afflux. Les Chrétiens du Liban bénéficient déjà d’une aide française, et la protection consulaire s’étend aux Juifs. Les kibboutzim, qui ne veulent dépendre de personne, montent sur pied une milice locale : l‘Hashomer. Ces fermiers montés, armés de carabines et de sabres, patrouillent entre les différentes colonies juives. En 1912, avant la Première Guerre Mondiale, la population juive a ainsi doublée en Palestine, atteignant 50 000 individus.

Liste des épisodes :

1 : Le bouleversement du « Proche-Orient ».
2 : Sionisme et Palestine.
3 : Une province mandataire en crise.
4 : ?
5 : ?

Bibliographie indicative :

CLOAREC, Vincent, LAURENS, Henry, Le Moyen-Orient au 20e siècle, Armand Colin, Paris, 2003 (2000), 255p.

LOUIS, Florian, Incertain Orient. Le Moyen-Orient de 1876 à 1980, PUF, Paris, 2016, 420 p.

RAZOUX, Pierre, Tsahal. Nouvelle Histoire de l’Armée Israélienne, Perrin, Paris, 2006, 618 p.

lundi 5 septembre 2016

Chronique Géopolitique 01 - La Fin des FARC ? (Colombie)

Dans cette nouvelle série, je vais m’efforcer de donner de petits aperçus sur des conflits géopolitiques contemporains. Le sujet n’est pas simple, et les définitions ne sont pas évidentes. S’il est possible de gloser sans fin sur la définition, on peut retenir que la géopolitique consiste en une interaction à l’échelle locale, régionale voire mondiale entre d’une part un milieu géographique, un territoire, une frontière, une enclave, etc., et d’autre part la politique, qui se définit par l’exercice du pouvoir et les rivalités qui en découlent, influant sur la politique au sens large, c’est-à-dire lorsqu’elle désigne une société ou un ensemble de sociétés, avec son cadre culturel, économique, social etc.

Le sujet n’est donc pas simple, mais se structurera autour d’articles synthétiques réalisés à partir du recoupage d’informations et de quelques lectures. Contrairement à ma série Conflit d’Histoire, nettement plus documentée, il s’agira donc d’être concis. Pour notre première chronique, il s’agira de parler des FARC. Et comme le sujet m’a beaucoup intéressé, il n’est peut-être pas utopique de dire qu’une future série de Conflit d’Histoire traitera du sujet…

Chronique Géopolitique 01 - La Fin des FARC ? (Colombie)

Définition rapide de la guérilla

La définition du mot guérilla est plus complexe qu’il n’y paraît. Elle désigne tout d’abord une technique de combat pratiquée par des bandes armées, dans le but de provoquer des escarmouches en évitant les chocs frontaux, pour provoquer un maximum de dégâts sur un temps très court afin de pouvoir se replier et économiser les effectifs. Les guérilleros sont du même coup ceux qui pratiquent cette guérilla. 


Seulement, s’ils peuvent appartenir à l’armée régulière légalement constituée par l’Etat, ils peuvent aussi être constitués par des civils, formant des bandes de francs-tireurs agissant en-dehors de l’armée, aussi appelés partisans. Ils forment dès lors des groupes paramilitaires, agissant comme des groupes armés, avec un commandement, un entraînement, mais sans être toujours reconnu par un Etat.

Le FLNC (Corse)

On peut distinguer la guerre dissymétrique de la guerre asymétrique, bien qu’elles concernent toutes deux des pratiques de guérilla. La première est une variante de la guerre au sens régulier du terme : une armée étatique et reconnue en combattra une autre mieux équipée et plus nombreuse en utilisant des techniques de guérilla pour frapper des objectifs militaires. La seconde concerne une armée reconnue ou non, et qui tente par des frappes militaires et/ou civiles de déstabiliser un état et de lutter contre un système étatique. Cela concerne autant le terrorisme que les mouvements indépendantistes.

La guerre civile

Depuis son indépendance vis-à-vis des Espagnols au début du XIXe siècle, la Colombie est frappée par une lutte incessante entre « libéraux » et « conservateurs », entre santandéristes et bolivariens, mouvements inspirés par d’une part Francisco José de Paula Santander y Omaña, et d’autre part par Simón José Antonio de la Santísima Trinidad Bolívar y Palacios, deux héros de l’indépendance.

Simón Bolívar

Après une période de stabilité entre 1902 et 1948, une terrible guerre civile surnommée la Violencia réoppose les deux courants politiques, faisant des centaines de milliers de victimes. Après une période de dictature militaire, les deux partis s’unissent dans le gouvernement du Frente Nacional établi en 1958, ce qui n’est pas du goût des mouvements de guérillas les plus à gauche. S’appuyant sur les paysans, premières victimes des combats et du partage des terres jugé inégal, des républiques indépendantes tentent de se mettre en place au sud du pays, mais l’armée colombienne intervient. En 1964 sont fondées les Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia (FARC).

La guérilla des FARC

Contrôlant la culture de la coca, les FARC négocient avec les cartels de drogue pour financer leur lutte armée dans les années 80, tout en multipliant les enlèvements d’officiels ou de civils. Ils sont suffisamment puissants dans les années 90 pour négocier avec le gouvernement après quelques succès, et compter près de 18 000 guérilleros, contre quelques centaines au tout début . En face, des milices d’auto-défense d’extrême-droite s’organisent officieusement, pratiquant une répression parfois aveugle, et couverts par les militaires.


Au début des années 2000, les négociations sont rompues, la Colombie lance un plan de réarmement et de répression des mouvements de guérilla, parfois aveugles, appelé política de seguridad democrática. Les Etats-Unis financent cette politique à partir du Plan Colombia, d’autant plus que les FARC ont été classés depuis 2001 dans la liste des organisations terroristes. Les FARC sont peu à peu repoussés, et la violence atteint son paroxysme à la fin des années 2000, à coup de mines antipersonnelles, sur fond de trafic de drogue et de scandales, comme celui des falsos positivos, des civils tués par les militaires et catégorisés comme guérilleros par les militaires du gouvernement pour montrer des résultats.

La paix enfin ?

En 2012, après des revers importants, les FARC annoncent la fin des enlèvements. Le processus de paix suit en 2013 à La Havane, les FARC s’étant inspirés durant leur longue lutte du communisme cubain. En juillet 2015, les hostilités cessent, et le 28 août 2016, un cessez-le-feu définitif est annoncé. Après 52 ans de conflit, les 7 500 FARC encore en activité, parmi lesquels on compte près de 40% de femmes, sont tenus de rendre les armes. Entre le 20 et le 26 septembre 2016, le président colombien M. Santos rencontrera le chef Timochenko, et le 2 octobre, un référendum sera tenu dans le pays pour acter cette fin de lutte. Le conflit aura fait 260 000 morts, 45 000 disparus, 6.8 millions de déplacés et aura duré 52 ans.


Visites du net :

- Arte
- France Culture
- Le Monde
- Un mémoire



mercredi 31 août 2016

Conflit d'Histoire 02 - La Guerre Israélo-Arabe - Le Bouleversement du « Proche-Orient » (1)


Conflit d'Histoire 02 : La Guerre Israélo-Arabe
1948-1949, Proche-Orient

Le Bouleversement du « Proche-Orient » (1)

La Guerre Israélo-Arabe peut avoir différentes dénominations suivant les camps en présence : pour les Israéliens, il s’agit de leur guerre d’indépendance ; pour les Palestiniens, d’une Nakba (Catastrophe). Mais dans tous les cas, la région appelée traditionnellement « Proche-Orient » en France, terme daté s’il en est, et qui inclut aujourd’hui les états de la côte est de la Mer Méditerranée, soit l’Egypte, la Jordanie, Israël, le Liban, la Syrie et la Turquie, prend un tournant décisif à la fin des années 1940. Une guerre civile meurtrière sévit dans la province de Palestine, administrée depuis la chute de l’Empire Ottoman par les Britanniques, et opposant d’une part les populations juives, inspirées par le mouvement sioniste, et d’autre part les populations dites arabes, qui voient d’un mauvais œil la place de plus en plus importante accordée aux immigrés juifs, qui se font de plus en plus nombreux depuis la fin du XIXe siècle, et qui ont réussi à obtenir un plan de partage de l’ONU. 


Aussi, la constitution le 14 mai 1948 d’un état juif transforme une guerre civile dans une province mandataire, en une guerre régionale. Les états arabes voisins s’unissent en effet contre l’irruption d’Israël, dans une partie du monde en pleine recomposition depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, en plein début de Guerre Froide. Le glissement d’une guerre à l’autre marque profondément le visage de cette région du monde : des massacres commis par les organisations extrémistes juives poussent des centaines de milliers de Palestiniens à quitter le pays, tandis qu’Israël s’est définitivement imposé politiquement et militairement. Les trêves et les armistices du début de l’année 1949 représentent un pis-aller, car les tensions sont toujours vives, et particulièrement dans les états arabes voyant dans cette défaite une faillite de leur gouvernement. En effet, si le Royaume de Transjordanie profite du conflit et de la prise de la Cisjordanie pour devenir le Royaume Hachémite de Jordanie, le système monarchique égyptien, quant à lui, s’effondre, et c’est Mohammed Naguib (1901-1984) puis Gamal Abdel Nasser (1918-1970) qui prennent le pouvoir en lieu et place du roi Farouk (1920-1965). La participation des Israéliens à la crise du Canal de Suez (1956) et la Guerre des Six Jours (1967) ne sont alors pas loin. 

Theodor Herzl (1860-1904), fondateur du mouvement sioniste.

Il faudra remonter au XIXe siècle pour découvrir la naissance du mouvement sioniste et la décomposition de ce qu’on appelait « l’homme malade de l’Europe », soit l’Empire Ottoman, afin de comprendre les enjeux et de voir comment s’imbriquent d’abord les dynamiques transnationales à partir des deux Guerres Mondiales, des mandats de la SDN et de l’ONU, et ensuite les dynamiques régionales et locales, entre le gouvernement d’abord clandestin de David Ben Gourion, la résistance arabe locale, et la poussée régionale des états voisins. La résolution du conflit ne résoudra d’ailleurs pas tous les problèmes.

Liste des épisodes :

1 : Le bouleversement du « Proche-Orient ».
2 : Sionisme et Palestine.
3 : Une province mandataire en crise.
4 : ?
5 : ?

Bibliographie indicative
:

CLOAREC, Vincent, LAURENS, Henry, Le Moyen-Orient au 20e siècle, Armand Colin, Paris, 2003 (2000), 255p.

LOUIS, Florian, Incertain Orient. Le Moyen-Orient de 1876 à 1980, PUF, Paris, 2016, 420 p.

RAZOUX, Pierre, Tsahal. Nouvelle Histoire de l’Armée Israélienne, Perrin, Paris, 2006, 618 p.