mardi 12 septembre 2017

« Fire and Fury », la question nord-coréenne en suspens (Point Actu, 12/09/2017)

(Cet article est disponible sur mon site). Nous avons présenté dans la dernière chronique géopolitique la Corée du Nord, cet état non-identifié, juridiquement en guerre avec la Corée du Sud depuis 1950, et qui fait l’objet d’un certain nombre de sanctions venant de l’ONU et des acteurs de la région du Pacifique pour son développement en sous-main de l’arme nucléaire, et ses essais balistiques. Depuis, les choses ont empiré, et les experts se creusent la tête pour trouver une solution diplomatique, entre négociations et sanctions.

« Fire and Fury » (D. Trump, 8 août 2017)


Le régime a réalisé un nombre exceptionnel d’essais balistiques cette année. Le dix-huitième missile, un ICBM pour « intercontinental ballistic missile », lancé le 29 août, a parcouru près de 2700 kilomètres en passant, chose exceptionnelle, dans l’espace aérien japonais, trois jours après l’essai la même journée de trois missiles balistiques à courte portée tombés en mer du Japon. Quant au programme nucléaire, il arrive semble-t-il à son terme, avec l’essai « réussi » d’une bombe thermonucléaire le 3 septembre, le sixième du régime.


Photo du régime non datée.

Ces essais ont ravivé les tensions dans une Asie déjà divisée. La Chine et la Russie sont les partenaires privilégiés de la Corée du Nord, les Japonais et les Coréens du Sud s’inquiètent de la pertinence des sanctions de l’ONU, d’autant plus que la Corée du Sud est en première ligne, et les Américains possèdent à moins de 3500 km de la péninsule coréenne la base de Guam, ainsi que la VIIe Flotte de l’US Navy, faisant face à quelques difficultés, notamment après un accident mortel entraînant le retrait du vice admiral Joseph Aucoin.

« Paix impossible, guerre improbable » ? (R. Aron, 1948)


Mais davantage que ces manifestations physiques et ces relations entre états, on note que c’est la lutte des mots qui a pris le pas sur la lutte militaire. On connaissait déjà la communication par l’invective du régime nord-coréen, proférant menaces diverses à l’égard des autres régimes et glorifiant tout ce qu’entreprend Kim Jong-Un et son état-major, mais le 45e président des Etats-Unis a fait fort en promettant à la Corée du Nord « fire and fury » le 8 août 2017 si elle franchissait la ligne rouge, entraînant évidemment une réponse, et un tollé diplomatique.


A ne pas confondre (malheureusement) avec la chanson du groupe Skillet ou la bande originale de Starcraft 2.

Malgré tout, la plupart des spécialistes de la question nord-coréenne plaident pour la négociation. La Corée du Nord s’est en effet construite autour de la menace américaine, et a développé l’arme nucléaire pour être prête à réagir à une attaque possible, tout en sachant que ses possibilités de provoquer le conflit et de le gagner sont extrêmement limitées. Une guerre nucléaire ne serait donc pas profitable au régime, ni d’ailleurs aux acteurs de la région.

Qui veut la paix ?


Toutefois, les leviers de la négociation restent peu efficients. Les sanctions commerciales et économiques pèsent sur la Corée du Nord depuis plusieurs années, sans l’empêcher de continuer son programme militaire et ses divers essais, aidée qu’elle est en sous-main par ses alliés. Les nouvelles sanctions votées hier à l’ONU ont d’ailleurs dû s’adapter aux demandes de la Chine et de la Russie, membres permanents du Conseil de Sécurité, afin de limiter une partie des sanctions, concernant notamment les importations de pétrole et le rapatriement des expatriés nord-coréens.


Les sanctions d’hier (11 septembre 2017).

Deux couples se dessinent. D’un côté, les Américains et les Sud-Coréens, qui organisent chaque année des exercices communs centrés sur les réponses à apporter en cas de conflit avec la Corée du Nord ; de l’autre, la Chine et la Russie, alliées du régime, et qui s’entendent assez bien pour promouvoir dans leur communication leur volonté d’apaiser les tensions, loin des propos chocs d’un Donald Trump, tout en organisant eux aussi chaque année des exercices conjoints dans l’océan Pacifique, et même dans la mer Baltique le 24 juillet 2017. Cette bataille de la communication reste d’actualité, les acteurs se rejetant mutuellement la faute de l’exacerbation des tensions.

Le bouclier anti-missiles sud-coréen


Les sanctions votées par l’ONU hier vont donc se mettre en branle, tandis que la coopération militaire américano-sud-coréenne se solidifie. En effet, le Terminal High Altitude Area Defense est un système de missiles antibalistiques développé par la firme américaine Lockheed Martin, et dont les premiers éléments en Corée du Sud ont été déployés fin avril 2017, après des négociations débutées deux mois plus tôt face aux essais nord-coréens. Après l’essai nucléaire de septembre 2017, il a été renforcé, ce qui a entraîné une manifestation sud-coréenne faisant 38 blessés.


Essai militaire de missile antibalistique.

Ce bouclier antimissile suit trois éléments distincts : un puissant radar détectant le missile, un centre de contrôle appelé TFCC pour THAAD Fire Controls/Communications, et qui organise la riposte, et un lanceur de missiles en lien avec le TFCC, la plupart du temps porté par un camion pour améliorer sa mobilité, projetant si besoin est un missile antibalistique, qui ne porte aucune charge explosive et vient percuter le missile adverse en recourant uniquement à son énergie cinétique (Ec (en joules) = 1/2mv2).

Conclusion


Quoi qu’il en soit, la Chine ne veut pas de l’influence américaine, matérialisée dans le THAAD, la VIIe Flotte et les exercices conjoints avec la Corée du Sud, tandis que les Américains les accusent d’aider la Corée du Nord, et voient d’un mauvais œil le rapprochement avec la Russie, du Pacifique à la Baltique, mais aussi les visées territoriales chinoises en mer de Chine. La Corée du Nord profère des menaces, la Russie reste un peu en retrait en promettant vouloir avec la Chine la paix, la Corée du Sud renforce son bouclier anti-missiles et se félicite avec le Japon des nouvelles sanctions prises contre la Corée du Nord. Tout reste à faire pour apaiser les tensions dans ce point chaud de la planète.


Manifestation sud-coréenne après le renforcement du THAAD.

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