Une guerre civile au Yémen
Au sud de l’Arabie Saoudite, le Yémen subit de plein fouet une guerre civile pendant qu’une coalition menée par son voisin du nord intervient dans ses affaires intérieures. Pendant que l’attention de la communauté internationale se porte sur l’Etat Islamique et sur la Syrie, on a tendance à oublier ce conflit qui est pourtant très meurtrier, et joue à nouveau le jeu des rivalités entre l'Iran et l'Arabie Saoudite au Moyen-Orient. Plusieurs médias se sont dans les dernières semaines intéressés à ce conflit qui ne dit pas son nom, mais les faits restent : les bombes pleuvent et personne n’entend les civils crier.
Au sud de l’Arabie Saoudite, le Yémen subit de plein fouet une guerre civile pendant qu’une coalition menée par son voisin du nord intervient dans ses affaires intérieures. Pendant que l’attention de la communauté internationale se porte sur l’Etat Islamique et sur la Syrie, on a tendance à oublier ce conflit qui est pourtant très meurtrier, et joue à nouveau le jeu des rivalités entre l'Iran et l'Arabie Saoudite au Moyen-Orient. Plusieurs médias se sont dans les dernières semaines intéressés à ce conflit qui ne dit pas son nom, mais les faits restent : les bombes pleuvent et personne n’entend les civils crier.
Carte de la Tribune de Genève début 2015 : trois factions, un pays. |
Ce conflit armé prend ses racines dans la chute du président Ali Abdallah Saleh en 2012, après 34 ans à la tête du pays. Toutefois, deux groupes étaient aussi présents à cette époque : AQPA, c’est-à-dire Al-Qaïda dans la péninsule arabique, et les rebelles zaydites (une branche du chiisme) communément appelés « houthistes » en référence à un de leurs chefs, Hussein al-Houthi, tombé en 2004 pour la cause de cette vieille insurrection. Plusieurs attentats revendiqués par les sunnites d'Al-Qaïda ou de l'Etat Islamique ont d'ailleurs frappé les milices houthistes, preuve que la situation est encore plus complexe dans ce pays où la population est à moitié chiite, et à moitié sunnite.
L’interventionnisme des états voisins
Les rebelles, soutenus par l’ancien président déchu, prennent la capitale de Sanaa en janvier 2015, gardant le nord du pays, tandis que le sud reste dans les mains du gouvernement yéménite élu, et qu'Al-Qaïda garde une influence dans l'est du pays. Ce jeu à trois n'est pas du goût de l’Arabie Saoudite, qui décide de monter une coalition de pays sunnites en mars 2015 pour lutter contre les houthistes. Cette rébellion zaydite est en effet vue comme une tentative de l’Iran chiite de prendre pied dans la zone. Et l'on sait que la rivalité entre les deux pays est toujours aussi forte. Aussi, le conflit prend une tournure régionale, et les états africains au-delà de la Mer Rouge ont été à leur tour projetés.
La coalition restaure le pouvoir du président élu contre les rebelles houthistes, négligeant la branche d'Al-Qaïda. |
Au-delà de ce bras de mer, l’Erythrée et l’Ethiopie se livrent en effet depuis plusieurs dizaines d’années une vraie guerre d’influence, se manifestant par des frictions frontalières permanentes. L’ascendant est pris par l’Ethiopie. Mais avec la guerre au Yémen, l’Erythrée a rejoint la coalition. L’aéroport et le port d’Assab portent désormais les engins de guerre aériens ou navals des alliés de l'Arabie Saoudite, ce qui agace profondément l'Ethiopie. Le Soudan a aussi envoyé des contingents armés, et le Somaliland, pourtant non reconnu par la communauté internationale, reçoit un afflux de capitaux pour sa proximité. Et en arrière-plan, les Etats-Unis soutiennent cette coalition, visiblement pour ménager l’allié saoudite face au rapprochement avec l’Iran, d'après Gérard Prunier.
La guerre tue
Ce conflit armé a fait désormais plus de 7000 morts, de 37 000 blessés et surtout trois millions de personnes déplacées, et les raids aériens de la coalition ne font rien pour arranger ce bilan, les bombes ne faisant aucun différence entre rebelles et civils. Si les bombardements défraient régulièrement la chronique pour nous parler de centaines de victimes, civiles ou non, notons que l’Arabie Saoudite a été rajoutée à une liste noire de l’ONU pour non-respect des enfants dans un conflit armé à la suite de bombes touchant de jeunes victimes... Avant d’en sortir aussi vite en juin 2016 en faisant pression sur l’organisme international : d'après Ban Ki-Moon, dans sa dernière année en tant que Secrétaire Général des Nations Unies, il s'agit de maintenir les fonds de l'Arabie Saoudite pour aider d'autres programmes, d'autres enfants... Exit les enfants yéménites donc. Et les attentats de la branche d’Al-Qaïda, et surtout de l'Etat Islamique, continuent.
Les attentats de l'E.I. continuent. Le dernier : 18 décembre 2016. |
Les rebelles houthistes tiennent pour le moment la capitale avec l’ancien président du Yémen, montent un pouvoir politique parallèle, concurrençant l’actuel président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi. Reste à voir en quoi cette coalition, appuyée par les Etats-Unis pour ménager l’Arabie Saoudite dans des temps troublés, continuera à s’ingérer dans les affaires d’un autre état à coup de bombes et de raids aériens, dans la grande indifférence de la communauté internationale. Notons au passage que le Yémen est sur une voie de passage maritime stratégique pour les porte-conteneurs, les enjeux économiques se mêlant ainsi aux autres types d'enjeux. Finissons par une question : bombarder des civils et des rebelles permet-il de résoudre une crise rapidement ? Un retour d'expérience de Syrie pour le compte de l'Arabie Saoudite me semblerait nécessaire...
Sources :
- Les médias qui s'émeuvent un peu en cette fin d'année
- Monde Diplomatique, dont l'article de septembre 2016